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Vote sur l'Ukraine : démêler le vrai du faux

"Soutenez l’Ukraine", "refusez de voter ce traité", "non à des troupes en Ukraine" : j'ai reçu de nombreux messages au sujet du vote sur l'accord Franco-Ukrainien, sur lequel l'Assemblée s'est prononcée hier. Aux uns et aux autres, je tiens à expliquer le sens de mon vote, et à répondre aux objections parfois formulées.


"L’action de la France dans le conflit ukrainien n’est pas démocratiquement débattue" : c’est faux !     

Pour examiner les conséquences de l’agression russe en Ukraine, et déterminer la réponse de notre pays, depuis deux ans, le gouvernement a constamment associé le Parlement et l’ensemble des forces politiques du pays : deux débats comparables à celui d’hier ont eu lieu à l’Assemblée, le Président de la République a réuni deux comités de liaison. Et la semaine dernière encore, le Président de la République recevait les responsables des partis politiques pour échanger sur la situation. Prétendre que l’aide française à l’Ukraine ne serait pas démocratiquement décidée est donc faux.   

"Le débat parlementaire est organisé pour servir les intérêts électoraux de la majorité" : c’est faux !   

C’est bien la situation en Ukraine, et le déploiement de la stratégie de Poutine qui ont justifié ce débat.   

Après avoir parié sur la fragilité de l’armée ukrainienne (pari perdu), parié sur la division du monde occidental face à l’agression (pari perdu), la Russie parie désormais sur la lassitude des alliés de l’Ukraine et sur des échéances électorales prochaines, aux Etats-Unis comme en Europe.   

Ce n’est pas pour rien qu’elle multiplie les tentatives de désinformation et de destabilisation de nos démocraties, en propageant, notamment par des opérations menées via les réseaux sociaux, fausses nouvelles et campagnes visant à diviser les peuples, ou en multipliant les cyberattaques pour tenter de paralyser nos administrations et notre économie.   

L’intérêt du débat au Parlement a été de démontrer le large consensus autour du soutien de notre pays à l’Ukraine. Et le résultat du vote a illustré que ce soutien est plus large que la seule majorité présidentielle représentée à l’Assemblée. Et c’est tant mieux, car sur ces sujets, nous avons besoin de l’unité la plus large possible.     

"Cette guerre en Ukraine ne nous concerne pas. Soutenir l’Ukraine se fait au détriment de nos intérêts et de notre économie" : c’est faux !   

La Russie est une menace, non seulement pour l’Ukraine, mais aussi directement pour nous, pour l’Europe, pour le peuple français.   

Une victoire de la Russie en Ukraine signerait la fin d’un ordre international fondé sur le droit. Elle ouvrirait la voie à de nouveaux conflits, qui nous menaceraient d’autant plus directement qu’ils se rapprocheraient de nos frontières. Elle provoquerait probablement la plus grande vague migratoire de l’Histoire sur le continent européen, avec des millions de réfugiés ukrainiens et des pays voisins, qui craindraient pour leur sécurité et se déplaceraient sur le continent européen.   

Une victoire de la Russie menacerait notre sécurité alimentaire, en créant une forme de trust qui contrôlerait la production, la distribution et le marché des céréales. Ce sont nos agriculteurs et le pouvoir d’achat des Français qui en seraient victimes.   

Une victoire de la Russie aggraverait la crise énergétique, car elle aboutirait à déstabiliser davantage encore le marché : les factures d’énergies, les prix à la pompe exploseraient plus encore.    

Oui, la guerre en Ukraine a un coût pour la vie quotidienne. Mais ce coût serait décuplé sans commune mesure si la Russie l’emportait sur l’Ukraine. Le succès de l’Ukraine, c’est l’intérêt des Français.    

 "L’accord conclu entre le Président de la République et le Président Zelenski est sorti de nulle part, n’a été discuté nulle part" : c’est faux !   

L’accord de sécurité conclu entre le Président de la République et le Président Zelensky, à Paris, le 16 février dernier contient des engagements mutuels entre la France et l’Ukraine.    

Pour la France, c’est l’engagement de renforcer structurellement et sur le long-terme les capacités de l’Ukraine sur tous les plans, militaire, économique et également pour la reconstruction du pays.    

Pour l’Ukraine, c’est l’engagement de poursuivre sa politique de lutte anti-corruption, de réforme judiciaire, de consolidation de l’Etat de droit, de décentralisation, de modernisation de son secteur de la défense ou encore de transformation de son agriculture vers les standards européens.   

Cet accord constitue la concrétisation des engagements pris par les pays du G7 en juillet dernier, engagements que 25 pays ont rejoints. Déjà 7 pays ont conclu des accords similaires : l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Canada, l’Italie, les Pays-Bas et le Danemark.    

Ceux qui tentent de faire croire qu’il s’agirait d’une initiative purement française mentent : c’est bien dans le cadre d’une solidarité internationale que l’accord s’inscrit. Une solidarité qui vise à fournir à l’Ukraine, en cas de nouvelle offensive russe, une assistance rapide notamment en matière de sécurité, d’équipements militaires et d’assistance économique. En matière d’aide militaire, cet accord prévoit pour l’année 2024 jusqu’à 3 milliards d’euros de soutien militaire additionnel.    

Juridiquement, la ratification du Parlement d’un tel accord n’est pas nécessaire. Toutefois, le Président de la République a souhaité qu’il soit présenté au Parlement, débattu, puis renforcé par un vote. Que des forces politiques qui avaient hurlé au scandale lors de sa signature, réclamé à cor et à cri qu’il soit soumis au Parlement, aient décidé de s’abstenir lors de la séance d’hier démontre leur totale incohérence.   

"Vous voulez engager une guerre contre la Russie" : c’est faux !   

Nul pays n’a agi plus que la France au dialogue avec la Russie, n’a tenté autant pour ramener ses dirigeants à la raison : dès 2014, sous l’impulsion du Président Hollande et de la chancelière Merkel, dans les négociations du format dit « Normandie », formule continuée par le Président Macron. Puis par des rencontres entre le Président de la République et le Président Poutine : à Versailles, à Saint-Pétersbourg, à Osaka ou à Brégançon. Ensuite par la réunion, à l’Elysée, en 2019 des Présidents Zelensky et Poutine – leur seule rencontre à ce jour. Avant l’éclatement du conflit, le Président de la République a tout tenté, jusqu’à se rendre à Moscou, pour éviter la guerre.    

Notre engagement en faveur de la souveraineté et du respect de l’intégrité territoriale de l’Ukraine a été constant – sans volonté d’ostraciser la Russie.   

Notre objectif demeure celui d’une solution négociée, qui respecte les droits de l’Ukraine et nos intérêts de sécurité. C’est la seule option pour obtenir des garanties crédibles de la part de la Russie pour s’assurer qu’elle ne retournera à l’assaut ni de l’Ukraine ni d’un autre pays européen.   

Mais cette issue négociée ne peut se faire si la menace d’un effacement de la carte demeure pour l’Ukraine. Si c’est le droit du plus fort qui prévaut : et qui serait le pays suivant à la merci de la Russie ?.

Le vote d’hier permet à la France de réaffirmer clairement son soutien à l’Ukraine, pas d’entrer en guerre contre la Russie. Nous ne céderons à aucune logique d’escalade, mais je crois que le Président de la République a eu raison de dire que ne nous fixons pas de limites face à une Russie qui, elle, n’en fixe aucune. C’est la condition de la crédibilité de notre soutien. Un soutien que nous continuerons, comme nous le faisons depuis le début du conflit, à faire évoluer, en l’adaptant aux besoins des Ukrainiens.   

"La France est isolée" : c’est faux !   

En attaquant l’Ukraine, le régime de Poutine espérait créer la division et l’affaiblissement des démocraties européennes : il a perdu son pari.      

Suède et Finlande ont intégré l’OTAN.    

L’Europe a su prendre des sanctions fortes en quelques heures. En entendant Madame Le Pen, hier, réclamer que les fonds russes gelés en Europe soient mis à la disposition de l'Ukraine, je ne pouvais pas m'empêcher de penser que non seulement elle omet de dire que le processus est en cours de discussion au sein des instances européennes, mais que, surtout, elle oublie que ces fonds gelés sont la conséquence des sanctions économiques infligées à la Russie : ces sanctions, tant sur le plan français qu'européen, son parti s'y est opposé avec force. Où est sa cohérence ?    

L’Europe s’est mobilisée pour fournir des armes, quand certains ne préconisaient qu'une aide humanitaire d'urgence. L'Europe avance à grands pas pour soutenir son industrie de défense, enfin penser un système cohérent susceptible de lui assurer une souveraineté technologique, industrielle.    

Il y a une différence entre le soutien militaire et la co-belligérance. Nous pratiquons cette différence, tous les jours avec nos partenaires et alliés.   Faire plus, mieux et si besoin différemment pour soutenir l’Ukraine dans la durée : c’est l’enjeu du moment.    

"Il faut faire plus pour aider l’Ukraine" : c’est vrai !   

Ce conflit en Ukraine révèle les forces de l’Europe, dès lors qu’elles se coordonnent, mais aussi nos faiblesses. Elles nous amènent à basculer nos industries de défense dans ce qu’il est commun d’appeler une "économie de guerre" : renforcer nos budgets de défense, investir sur des champs nouveaux de conflictualité, comme le cyber espace, dans des matériels innovants, reconquérir notre souveraineté sur des productions qui avaient été délocalisées, comme la fabrication de poudre. 

La crise bouscule et accélère la transformation de notre outil industriel de défense, elle oblige à imaginer des mécanismes de financement au niveau européen, à définir des programmes d’armement adaptables à des matériels qui n’ont pas été toujours conçus pour être compatibles (avec l’armée ukrainienne, comme avec nos partenaires européens).   

Tout cela a pour but d’être plus efficaces dans notre aide à l’Ukraine, et plus aptes à empêcher d’autres agressions.

Ceux qui minimisent cet effort considérable, qui prend du temps mais porte ses fruits, qui colportent des "classements de l’aide à l’Ukraine" qui ne sont pas complets ni exhaustifs pour minimiser l’effort de la France, sont souvent ceux qui veulent moins d’Europe, et moins d’engagement envers l’Ukraine ou qui refusent de voter les budgets militaires : ce n’est pas le moindre des paradoxes.   

Mais les leçons de l’Histoire demeurent constantes : laisser une puissance impérialiste sans résistance, c’est lui faciliter ses conquêtes futures. Toujours. Ne pas tirer, immédiatement, pour les démocraties, les conséquences de leurs faiblesses et ne pas agir, immédiatement, pour les combler, c’est organiser leur défaite. Toujours.    

C’est, je crois, la leçon principale de ce débat parlementaire d’hier : aider l’Ukraine, c’est se protéger nous-mêmes. 

Et ceux qui préfèrent la fuite devant les responsabilités, par l’abstention, ou le déni de réalité, par le vote contre, rendent un bien mauvais service à notre pays.   

Fort heureusement, le résultat clair et large du vote de l’Assemblée démontre que la France, dans ce soutien à l’Ukraine, comme dans sa volonté de le renforcer autant que de besoin, sait se réunir.     

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